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Trump: Un parti ou une secte ? (Forum)

par Blake, lundi 23 novembre 2020, 13:02 (il y a 1222 jours)

(NEW YORK) Le courriel portait la signature de Donald Trump. Des millions de ses partisans l’ont reçu au lendemain de la conférence de presse au cours de laquelle les téléspectateurs et les internautes ont vu la teinture de cheveux de Rudolph Giuliani se liquéfier avec ce qui lui restait de réputation.

« Avez-vous regardé la conférence de presse de mon équipe juridique hier ? Ils étaient SPECTACULAIRES. Rudy Giuliani a tout à fait raison. Je devançais largement Joe Biden la nuit de l’élection, et pourtant, quand nous nous sommes réveillés le lendemain matin, j’accusais un retard. Comment est-ce possible ? » Envoyé par l’équipe de campagne de Donald Trump, le courriel sollicitait des dons en mettant l’accent sur les efforts de l’équipe juridique du président pour contester les résultats de l’élection du 3 novembre. Depuis le 4 novembre, les partisans de Donald Trump reçoivent jusqu’à 30 messages de ce genre par jour. Mais il y a un hic.

Depuis vendredi dernier, on peut lire en petits caractères à la fin de ces envois que 75 % du montant de chaque don ira à Save America, un comité d’action politique (PAC) dirigé par Donald Trump (au début, c’était « seulement » 60 %). Ce PAC pourrait servir à financer les activités politiques du 45e président après son départ de la Maison-Blanche ou même à assumer des dépenses personnelles.

Ça sent l’arnaque. Plusieurs critiques de Donald Trump sont d’ailleurs convaincus que ses combats juridiques, jusqu’à maintenant futiles et dérisoires, ne sont pour lui qu’un prétexte pour soutirer de l’argent à ses partisans.

Mais l’explication paraît insuffisante au regard des conséquences possibles de ces actions qui ont pour but d’invalider des millions de votes et de renverser les résultats de l’élection dans les États-clés. Une de ces conséquences serait la transformation d’un grand parti politique en une secte complotiste et négationniste.

Le penchant de Donald Trump pour les théories du complot n’est plus à démontrer. Il doit en bonne partie son ascension au sein du Parti républicain à sa promotion de la thèse raciste des « birthers », selon laquelle Barack Obama était un président illégitime à cause de sa naissance au Kenya ou dans un autre pays étranger.

Et il tente aujourd’hui de nier la réalité à propos des résultats du 3 novembre en adoptant une théorie du complot mettant en cause le logiciel électoral Dominion, qui aurait effacé des millions de votes qui lui étaient destinés, ou qui les aurait réattribués à Joe Biden. Sidney Powell, membre présumée de son équipe juridique, a quasiment volé la vedette à Rudolph Giuliani l’autre jour en impliquant dans ce complot l’ancien président vénézuélien Hugo Chávez, mort en 2013, le financier George Soros et la Fondation Clinton.

L’ancienne procureure fédérale en a remis une couche samedi soir en affirmant que le gouverneur républicain de Géorgie, Brian Kemp, avait été soudoyé dans le cadre du complot.

« La Géorgie est probablement le premier État que je vais faire sauter », a-t-elle déclaré en promettant de déposer une poursuite « biblique » contre le Peach State.

Sidney Powell, dont le camp Trump s’est dissocié dimanche soir, a fait cette déclaration sur Newsmax TV, une des chaînes préférées des négationnistes du 3 novembre et des complotistes (avec OAN) depuis que Fox News a commencé à mettre en doute certaines déclarations de Donald Trump et de ses alliés.

Deux jours plus tôt, l’avocate de 65 ans avait refusé l’invitation de Tucker Carlson, animateur vedette de Fox News, de présenter ses « preuves » à son émission. « Ce que Powell a décrit équivaudrait au plus grand crime de l’histoire américaine », a commenté Carlson sur un ton incrédule. « Des millions de votes volés en une journée. La démocratie détruite. La fin de notre système de gouvernement séculaire. »

Des « fous » et des « profiteurs »
Tucker Carlson, qui a essuyé la colère des partisans de Donald Trump après cette sortie, n’est pas le seul conservateur à refuser de suivre aveuglément le gourou de la Maison-Blanche et ses plus proches disciples. Samedi soir, le sénateur républicain de Pennsylvanie Pat Toomey a félicité « le président désigné Joe Biden et la vice-présidente désignée Kamala Harris pour leur victoire ». Sa déclaration faisait suite à la décision cinglante d’un juge fédéral de son État rejetant les allégations de fraude électorale portées par Donald Trump.

Le sénateur Toomey ajoutait ainsi son nom à la liste des responsables du Parti républicain qui défendent les normes démocratiques face aux assauts et critiques de Donald Trump et de ses alliés.

Mais Pat Toomey fait encore partie d’une minorité parmi les élus républicains du Congrès, qui pensent ou espèrent préserver leur avenir politique en restant silencieux.

Qu’en est-il cependant de l’avenir d’un parti qui semble vouloir se confondre avec le mouvement complotiste QAnon au crépuscule de la présidence de Donald Trump ? Le commentateur conservateur Kevin Williamson s’inquiète de ce qu’il voit et entend, comme en témoignent les questions qu’il a lui-même soulevées la semaine dernière dans un billet publié sur le site du magazine National Review.

« L’une de ces questions est la suivante : combien de temps allons-nous continuer à prétendre que cette folie n’est pas de la folie ? Autre question : combien de temps allons-nous continuer à prétendre que ce qui est diffusé par Fox News et les émissions de radio parlée relève du commentaire politique plutôt que d’un type de propagande à but lucratif le plus honteux, irresponsable et antipatriotique ? Troisièmement, quel est exactement l’avantage – pour nos idées et pour le pays – de faire cause commune avec ces fous et ces profiteurs ? »

Ces questions pourraient orienter les débats qui animeront le Parti républicain, ou ce qui en restera, après la présidence de Donald Trump. En attendant, rien ne dit que le président et ses disciples ne tenteront pas de bannir ceux qui contesteront leur version de la vérité, comme cela se produit dans les sectes. Auront-ils gain de cause ?

https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2020-11-23/decryptage/un-parti-ou-une-...

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